Mérite II
"Si t’as pas réussi, c’est qu’tu l’as pas assez voulu" ! Sauf pour Cindy Piston. Si tout travail mérite salaire, si tout effort mérite récompense, alors toute croyance mérite d’être mise à l’épreuve.
Le mérite est proposé comme juste récompense de l’effort. Est-ce vrai ? Est-ce utile ? Déconstruire pour mieux reconstruire (mon activité favorite), serait d’affirmer qu’il s’agit d’une construction sociale qui impose des normes arbitraires in/validant les parcours individuels. Naître au bon endroit, rencontrer les bonnes personnes, croiser ze opportunité… Et si la réussite était surtout une question de hasard ?
Qui plus est, les signes de réussite ne sont pas universels, ils dépendent d’une époque et d’un contexte socio-culturel. Faire carrière, être en couple, avoir des enfants : autant de standards socialement valorisés aujourd’hui. Mais qui décide de ces critères ? Pourquoi sont-ils encore traités comme des vérités évidentes ? Ce classement invisible hiérarchise les existences et marginalise les non-méritants.
Le mérite est une belle histoire, un récit héroïque où volonté, acharnement et effort garantissent la réussite. "Elle l’a bien mérité". "Il a raté sa chance". Ce raisonnement binaire se veut rassurant : il rend le monde lisible, ordonné. Mais il occulte la complexité des trajectoires. Comme si la vie suivait une logique financière prédéterminée de don et de dette.
Dès l’enfance, un conditionnement s’opère pour apprendre à exister via la validation des autres en incarnant le bon rôle. Bonne fille, sois sage, douce, docile… Bon garçon, sois fort, inébranlable, conquérant. Houba Houba. Deux manières d’être jugé, une seule façon d’être enfermé dans ses performances visibles. Et ces schémas deviennent peu à peu invisibles. Déconstruire le mérite, c’est retrouver une maîtrise.
Si tout passe au tamis du mérite, ce filtre invisible influence et oriente plus qu’il n’éclaire. Comment exister sans ? D’abord, observer quotidiennement les évaluations méritoires : "je n’ai pas mérité ça", "ça se mérite", "elle ne le mérite pas". Ensuite, relever le défi d’abandonner cette balance invisible pour s’ouvrir à d’autres possibles. Enfin, repenser ce que signifie vraiment… mériter.
[La suite ? Seulement si vous le méritez…]
En attendant la suite, si vous souhaitez nourrir votre réflexion et déconstruire (ou reconstruire !) votre propre rapport au mérite, voici quelques ressources de tous bords pour aller plus loin :
Allard, A. (2019). Le mérite. Signification, possibilité et valeur. [Thèse de doctorat, Université Paris 8 –Vincennes - Saint-Denis]. https://theses.fr/2019PA080012.pdf
Duru-Bellat, M. (2021, 19 mai). Le mérite est-il encore un idéal démocratique ? The Conversation. https://theconversation.com/le-merite-est-il-encore-un-ideal-democratique-159488
BLAST, Le souffle de l’info. (2023, 26 décembre). Pourquoi la méritocratie n’existe pas par Salomé Saqué [Vidéo]. YouTube.
France Culture. (2018, 1er octobre). Les transclasses ou l’illusion du mérite par Chantal Jaquet [Vidéo]. YouTube.
TEDx Talks. (2023, 7 juin). La méritocratie n’existe pas (et tant mieux) par Marie-Lou Dulac | TEDxGEM [Vidéo]. YouTube.




ah la la, mon cerveau chauffe, j'adore. Cela me rappelle mes cours de philo! ces cours de vie qui chamboulent, chahutent, questionnent, éclairent, construisent ou déconstruisent... Ce mot "mérite" prend une signification délicate aujourd'hui, MERCI
LOL les ref'