Pénurie I
Jalouser poliment : la souffrance silencieuse élevée au rang de sport olympique, une discipline aussi discrète qu’efficace. Parce que le bonheur des autres est une bonne nouvelle… en théorie.
Pour être sincère, quand une personne m’annonce sa promotion en or, son voyage de rêve, une belle rencontre ou son bébé en route, je ressens de la joie… immédiatement accompagnée d’un petit pincement au cœur. Une pointe d’amertume fugace. Un écho sourd et lointain. Un réflexe sournois. Puis cette pensée inavouable : « Et moi alors… ». Pas vous ?
Et hop, ça peut même aller jusqu’à la petite pique qui fait mal, involontaire et déguisée en bienveillance. « Moâââ jalouuuuux ? Jamais ! Je suis une bonne personne ». Je vous crois : c’est rarement du vice ou de la méchanceté. Juste un conditionnement invisible et insidieux : une pensée de pénurie apprise gouvernant quotas, rationnement et ressources limitées.
Dans une pensée de pénurie, tout devient compétition. Si la vie est un jeu à somme nulle, alors « le bonheur des uns fait bien le malheur des autres » comme ne le dit pas l’expression consacrée. Si tout est limité, alors plus l’autre a de parts du gâteau, moins il en reste pour moi. Une équation absurde, somme toute.
Alors certains comparent, d’autres jalousent, beaucoup critiquent, sous couvert d’humour ou de bon sens. Personne ne veut rabaisser l’autre et, en même temps, l’inconscient cherche à rétablir un équilibre mathématique illusoire. Et voilà qu’apparaissent l’envie, la peur de manquer et l’obsession d’accumuler pour sécuriser et protéger ses acquis. Au Monopoly de la vie, l’autre est devenu un rival à piétiner.
Si la réussite des autres réduit mes propres chances, car il y a un quota limité de bonheur dans l’univers, alors il paraît logique de s’attacher à ses possessions et de retenir sa générosité. Mais, si ces réflexes empoisonnés proviennent d’une pensée de pénurie apprise et que ces peurs naissent d’une croyance collective, c’est qu’ils peuvent être déconstruits, non ?
[Divulgâchis : la pénurie n’a pas dit son dernier mot ! Puisqu’ici, les idées ne manquent jamais, même si parfois, tout le reste semble faire défaut…]




Merci Chloé pour ce texte dont le style est si agréable à lire !
Et merci de souligner que les peurs de pénurie "naissent d'une croyance collective et qu’ils peuvent être déconstruits, non ?"
Au diable l'avarie et vive la générosité & le partage ! 💛